jeudi 5 septembre 2013

Obama, le Congrès et la Syrie-par Maya Kandel

Théorie et pratique des pouvoirs de guerre aux Etats-Unis

Pour la première fois, une intervention militaire française dépend d’un vote du Congrès américain.

Cet appel au Congrès est également une première pour le président Obama, qui n’a pas demandé l’aval des parlementaires avant l’opération libyenne de 2011, ni pour les centaines d’assassinats ciblés par drones ordonnés depuis le début de sa présidence. Pour ces dernières, Obama a toujours invoqué l’autorisation très large de lutte contre Al Qaida et ses affiliés votée après les attentats du 11 septembre 2001. Dans le cas libyen, l’argumentation présidentielle a été plus tortueuse, invoquant le fait que les Etats-Unis n’étaient pas engagés dans des « hostilités » au sens de la loi sur les pouvoirs de guerre puisque Washington avait retiré ses forces de combat après 10 jours, laissant les alliés en première ligne et se cantonnant à un rôle de soutien et à l’emploi de ses drones.

Pour autant, le fait pour le président américain de demander un vote au Congrès avant une opération militaire n’a rien d’inédit. Bush père et fils l’ont chacun fait, obtenant chaque fois un vote positif (y compris de la part d’un Congrès démocrate en 1991 et d’un Sénat démocrate en 2002), Bush père en 1991 avant le début de la guerre du Golfe, Bush fils en 2001 avant de lancer les opérations en Afghanistan, puis à nouveau en 2002 avant l’invasion irakienne de 2003.

Certes Bill Clinton, lui, n’a jamais demandé l’autorisation du Congrès pour les interventions militaires lancées sous ses deux présidences, en particulier parce que, comme Obama, il a dû faire face à partir de 1995 à un Congrès particulièrement hostile (remember l’affaire Lewinsky), à majorité républicaine dans les deux chambres. Ainsi Clinton n’a pas demandé de vote du Congrès avant l’intervention au Kosovo, mais le Sénat, qui y était favorable, a voté une autorisation après le début des bombardements de l’OTAN, texte qui a été rejeté ensuite par la Chambre (en fait égalité des voix 213-213).

Il faut rappeler que la situation constitutionnelle américaine est particulière sur les pouvoirs de guerre, puisque la pratique s’est nettement éloignée de la Constitution, notamment dans la deuxième moitié du XXe siècle. Selon la Constitution américaine en effet, le président est le chef des armées, mais seul le Congrès a le droit de déclarer la guerre. En pratique, il ne l’a fait que cinq fois dans l’histoire américaine (1812, 1846, 1898, 1917, 1941), tandis que les interventions militaires ordonnées par des présidents américains ont été nettement plus nombreuses. Après la guerre du Vietnam, le Congrès a donc voté la loi sur les pouvoirs de guerre (en fait une résolution conjointe, d’où le nom de War Powers Resolution), exigeant une notification présidentielle et un vote du Congrès pour tout engagement de troupes américaines dans des « hostilités » sur un théâtre extérieur. Tous les présidents depuis Nixon ont déclaré la loi non constitutionnelle car empiétant sur les prérogatives présidentielles de chef des armées, mais en ont respecté l’esprit (en notifiant et consultant les parlementaires comme l’ont fait Clinton et Obama), sinon la lettre (comme Bush père et fils). En réalité, aux Etats-Unis, l’arme fatale du Congrès pour s’opposer à une guerre réside dans son pouvoir budgétaire, et c’est en supprimant leur financement que le Congrès a mis fin aux interventions qu’il désapprouvait (Vietnam en 1973, Somalie en 1993).

Concernant le vote à venir sur la Syrie, l’incertitude domine, mais deux certitudes :

La bataille la plus intéressante aura lieu au Sénat au sein du camp républicain, entre deux conceptions qui s’affrontent pour déterminer la ligne du parti républicain en politique étrangère (pour simplifier, néoconservateurs contre « libertariens néo-isolationnistes », McCain contre Rand Paul). Au Sénat, le oui devrait l’emporter : Les sénateurs ont en effet tendance à prendre plus au sérieux leur prééminence sur la Chambre en politique étrangère et à soutenir davantage le président.

La bataille la plus féroce aura lieu à la Chambre au sein du camp démocrate, déchiré entre son soutien à Obama et la pression de ses électeurs beaucoup plus favorables aux priorités intérieures (la majorité des représentants républicains devrait voter non). A la Chambre, un vote négatif est donc tout à fait possible, d’autant plus qu’il serait en phase avec l’opinion américaine – or les représentants, soumis à réélection tous les deux ans, y sont beaucoup plus sensibles.


Bien sûr, s’agissant du Congrès, il est toujours possible que finalement il ne vote rien.

Maya Kandel chargée d'études à l'Irsem

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2 commentaires:

  1. L'expérience américaine de la démocratie est la plus significative, aujourd'hui. On constate, dans cet excellent article, que le concept de démocratie prend une forme de plus en plus problématique, au fur et à mesure que son développement historique se constitue. Il demeure pourtant spécifiquement une référence dans sa version US, depuis la fin du communisme et la déliquescence des Etats du vieux continent dans l'Europe de Bruxelles.

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  2. L'aspect constitutionnel, bien et le reste?

    L'intervention non justifié au Kosovo et en Bosnie est bien partie d'une campagne de désinformation internationale inouïe que l'on devrait « sauver de toute urgence ces albanais que les serbes étaient en train de massacrer». Grâce à Clinton qui mis l'Otan à contribution pour au terme d'une guerre qui permis d'installer au pouvoir un clan criminel mafieux islamiste, expert en trafic d'héroïne, de cocaïne d'armes et d'organes prélevés sur les prisonniers serbes, tortures et purifications ethniques, camps de concentration chrétiens orthodoxes et incendiaires d'églises. Idem pour l'Irak, l'Afghanistan, la Libye et bientôt la Syrie au risque d'un embrasement général du proche et moyen Orient ce qui arrivera immanquablement...

    L'on constate, hélas, l'effet inverse que celui recherché, ce droit imaginaire d'ingérence (ligne rouge ou les amis de la Syrie) illégales en regard de l'ONU que se sont octroyé ces présidents appuyées par des campagnes massives de désinformations mensongères digne de la propagande soviétique d'un droit d'inconscience doublé d'incompétence politique internationale majeure ont déjà fait plus de victimes que les dictateurs eux-mêmes..Les conséquences des interventions se sont révélées encore plus graves. Engendrant le chaos; la guerre civile et confessionnelle pour les populations que le mal éradiqué d'un dictateur assassiné président d'un pays souverain dont justement le motif du but interventionniste serait de les en préserver!

    Si une commission Sénatoriale approuve le projet de frappes contre la Syrie mais au su de la dette colossale déjà atteinte, il est bien évident que le Congrès qui en détient la clé constitutionnelle y regardera à deux fois avant que de donner son aval par un vote. Vu d'ici c'est du 50/50 et Obama quoi que l'on en dise si sa «ligne rouge est franchie» encore en faut-il en apporter les preuves irréfutables afin de convaincre les membres qui ont opposé leur veto au Conseil de sécurité ? (Pas de rapport complet des experts de l'ONU puisque la Maison Blanche leur a dit que : «les services de renseignements disposaient de preuves de l’attaque chimique perpétrée la semaine dernière près de Damas par le régime et qu’ils n’avaient donc plus besoin de continuer leur mission sur place»). Mais ce dont je suis sûr est qu' Obama ne veuille pas y aller seul sans un appui international(A écouter les mensonges de Kerry dans sa tournée des popotes c'est édifiant) et sans approbation compte tenu qu'il soumet sa décision au vote du Sénat et du Congrès, restant bien dans le respect de la « War Power Resolution ».

    Je suis un peu de l'avis d'Edward Luttwak dans son édito du NYT du 24 août que quelque soit le camp qui l'emportera dans cette guerre confessionnelle les USA y perdront leur dernières influences et tout l'occident avec dont bien évidemment la France. La seule position raisonnable, serait de laisser les protagonistes régler leurs problèmes entre eux, Sans aider les islamistes salafistes Al-Nosra affiliés à Al-Qaïda que nous combattons et qui sont armés par les pétromonarchies et les USA. Dont le seul but est de semer la terreur par d'ignobles assassinats afin de mettre cela sur le dos de Bachar al-Assad...

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