mercredi 25 juillet 2012

BH- Pour un renouveau de la réserve opérationnelle et du lien armée-nation-par Pierre Memheld


Dans un contexte budgétaire contraint qui devrait voir le budget de la défense « faire des efforts », avec une évaluation du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, le format des armées pourrait à nouveau évoluer alors même que la situation internationale est instable. Les « printemps arabes », les tensions latentes avec l’Iran, ou la déstabilisation du Moyen Orient et du Sahel pourraient pourtant nécessiter, si ce n’est des interventions, le maintien de capacités de projection de forces ou de « puissance ».

Ces enjeux, politiques ou financiers, peuvent être antagonistes d’où le regain des réflexions sur la mutualisation des moyens au niveau européen, le retour sur expérience des OPEX passées et en cours, la recherche d’économies ne remettant pas en question le format des forces. Par exemple, si l’on dépasse le débat local sur la surface économique de la présence d’une unité, débat plus politique que réellement militaire, on pourrait imaginer un regroupement massif des unités en fonction de leurs commandements et complémentarités.

Si cela permettrait de réaliser des économies d’infrastructures, de transports et d’approvisionnements, sans parler d’éventuelles synergies opérationnelles, cela remets d’une certaine manière en question le lien armée-nation. Au-delà de l’abandon de garnisons, historiques ou héritées de la guerre froide, cela réduirait encore la visibilité des armées vis-à-vis d’une population qui a déjà parfois du mal à comprendre et adhérer aux missions extérieures et intérieures. Un autre lien qui participait à cette visibilité était le service militaire.

Il ne s’agit pas de réactiver le service militaire en tant que tel mais de créer un « service citoyen », la professionnalisation ayant montré ses avantages. Aujourd’hui entre les JAPD et l’engagement il n’y a plus de niveau intermédiaire, la réserve elle-même subissant l’attrition de sa ressource de base et le contexte budgétaire. Les JAPD ne permettent pas par leur format de sensibiliser les nouvelles générations à la défense. Les enseignements ou les réflexions et centres de recherche sur la défense sont trop rares et s’adressent le plus souvent à un public déjà convaincu.

Un service citoyen de un à trois mois, s’il aurait un coût certain, ne devrait pas être uniquement militaire : autour d’un tronc commun sur les concepts et organisations mêmes de la défense, il pourrait correspondre aux classes initiales de l’ancien service militaire ou à une période de missions citoyennes au sens propre, voire à une préparation aux missions humanitaires ou aux « missions économiques » (actuels VIE et VIA). Ces différentes composantes auraient un socle et un esprit commun, adaptés à leurs parcours et à leurs objectifs.

Mais se pose alors la question de l’encadrement de ce nouveau service, son organisation et son financement, à l’heure où les armées sont concentrées sur leurs missions premières. L’objectif d’un service citoyen, au-delà de la transmission de l’esprit de défense, serait bien de créer un vivier, sensibilisé voire préparé, prêt à s’engager dans les forces, d’active ou de réserve. Ce vivier porterait cet esprit dans d’autres secteurs ou pays, pour répondre au besoin de puissance d’influence de la France, servant de soutien aux opérations.

La réserve pourrait enfin être renouvelée, grâce à une base de recrutement plus large, et renforcée pour répondre aux enjeux actuels. Si elle participe déjà aux OPEX, OPINT et à Vigipirate, la réserve n’existe que par ses unités d’affectation, pas en tant qu’unité constituée comme c’est le cas dans d’autres pays. Si cela était le cas, avec une structure similaire aux unités d’active, la réserve pourrait être mobilisée en fonction des besoins, non pas comme simple « complément » mais comme « supplément » autonome au coût contrôlé et à l’efficacité connue.

Il s’agit d’une part de conserver une capacité d’intervention modulable à la situation tout en maitrisant le budget. Le débat sur la réduction du format des forces tourne souvent autour du seuil minimum en dessous duquel il n’est plus possible de garantir intervention et transmission des savoirs faire. Une réserve maintenue en condition opérationnelle mais dont le coût n’impacte le budget qu’en période d’activation » serait une solution à cette problématique si elle était totalement intégrée à tous les échelons des forces.

La réserve opérationnelle actuelle possède sa propre expertise, ses structures, ses missions, ses écoles. Si elle encadrait un service citoyen, elle aurait de plus accès à un vivier de recrutement qui lui serait propre, pour renverser l’actuelle pyramide des grades. La réserve citoyenne poursuivrait sa mission de rayonnement tout en encadrant les composantes strictement citoyennes, en parallèle des nouvelles « préparations militaires ». Une réserve renouvelée, au plus prés de ses composantes et en synergies avec ses employeurs, serait une force rentable, visible et opérationnelle.

12 commentaires:

  1. Bizarrement, c'est une très (trèèèèèèès) bonne idée à laquelle il je cherchais une expression convaincante. Ce post semble assez bien s'en rapprocher, tout du moins dans son aspect justificateur.
    Reste donc quelques question, comme le recrutement de base (volontariat..?) qui, certes permettrait déjà un niveau de recrutement solide pour la réserve, mais pourrait tout autant devenir concurrentiel.

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    1. En utilisant à dessein le terme "service" j'entends bien que ce soit obligatoire, sur une période courte (césure entre le collège et l'université avec des reports possibles). Pour rappel le Service National n'est que suspendu en attente d'un besoin extrême ou d'une décision politique forte.

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  2. Ne suis absolument pas convaincu. Si aujourd'hui la Reserve ops est devenue crédible , c'est bien grace à "l'amalgame" avec l'active.
    L'échelon compagnie de reserve au sein des régiments constitue le juste équilibre. Il est même préféreable pour tout ce qui concerne PMD et FMIR d'assurer un encadrement mixte ( reserve/active).
    C 'est la seule manière d'eviter la cesure avec l'active et de beneficier à tout les niveaux de l'experience des militaires d'actif.
    Concernant les missions , la specialisation sur des missions type "vigipirate" est une experience decourageante et peu valorisante, source d'ambiguités. La reserve en tant qu'elle reste et demeure, non pas une force de police supplétive, mais l'heritière de l'armée de conscription et de son histoire se doit d'être employée autrement.
    En ce sens la Reserve se doit de former prioritairement des fantassins, susceptible d 'être projetés sur des missions de type infanterie.
    La redaction d'un nouveau livre blanc , en rupture previsible avec le concept mortifère de "securité globale", devrait permettre de redefinir avec precision les missions d'une armée française tournée vers la defense exterieur et non le maintien de l'ordre interieur.
    Creuset historique de la Nation, l'armée française doit gagner en visibilité, par la restauration d'un service court et intense, tourné sur le combat infanterie, coeur de metier de toute eventuelle "levée en masse" en cas de crise majeure.

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    1. Si la réserve a gagné en crédibilité en étant intégrée, elle ne sert souvent que roue de secours (cf la typologie en % des missions) et a perdu en visibilité de par justement ces missions et la disparition de sa base de recrutement naturelle (la conscription).
      Et vous allez dans mon sens "la restauration d'un service court et intense": seulement l'armée professionnelle ne pourrait pas l'encadrer de par son format et ses missions.

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  3. Réserviste Alpin26 juillet 2012 à 10:16

    J'appuie l'anonyme de 00:22 en tous points, même si il n'est pas en contradiction totale avec l'auteur (service court - classes - obligatoire).

    La contradiction porte sur la mission assignée à la réserve.

    Aujourd'hui, on fait faire tout et n'importe quoi à la réserve (MO en particulier), sauf le cœur de métier : progresser, tenir une position, faire un assaut...

    Pour moi les choses doivent être claires :

    * si on a besoin de "petites mains" pour faire du MO en OPINT, on s'adresse à la réserve de la gendarmerie (c'est son métier).

    * si on ne *veut pas* dépenser de crédits pour former des fantassins low cost (une politique qui peut se concevoir), on prend ses responsabilité et on dissous les réserves opérationnelles d'unités combattantes (et on garde uniquement les services "utiles", genre santé, gendarmerie, sécurité civile, etc.)

    Mais, de grâce, n'oublions pas que la vocation du fantassin, réserviste ou non, c'est le feu !

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    1. Encore une fois c'est bien ce dont il s'agit: rendre à la réserve sa place, à savoir une force complémentaire en tout point égale à l'"active" (donc arrêter le "supplétif/planton"), en l’entraînant et en la structurant y compris pourquoi pas avec un "Etat Major des Réserves".
      Si l'amalgame, comme le complément individuel, sont utiles à l'intégration, une unité de réserve à part entière est utilisée comme telle, visible et réponds à un besoin ponctuel: cela existe déjà en partie en France et a montré son efficacité ailleurs.

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  4. Bonjour,

    Je ne sais pas si cette idée est une bonne idée pour ce qui est de faire de cette "force citoyenne" une force crédible ou utilisable. Je vois par contre plusieurs avantages à sa mise en place.

    - établir une base très large de recrutement, qui permette de détecter les talents ; si un appelé montre des aptitudes et un intérêt pour la chose militaire, il devrait pouvoir intégrer ensuite la réserve opérationnelle ou faire carrière ;

    - d'un point de vue social, l'armée permet tout de même d'enseigner les bases du savoir-être en société. L'armée propose un cadre qui peut être critiqué, mais qui a le mérite d'exister. Je pense que nos sociétés en ont besoin...

    - d'un point de vue "santé publique", ce type de recrutement à grande échelle permet de détecter bon nombre de problèmes de santé latents, et de les traiter, ce qui assainit considérablement les populations jeunes, notamment dans les milieux pauvres. L'armée fixe ainsi une sorte de plancher en-dessous duquel la santé publique des jeunes ne peut pas tomber...

    - en cas de crise majeure, à l'échelle locale, nationale ou internationale, d'avoir tous les jeunes gens d'un pays formés à un minimum de discipline, aux premiers secours, au tir ou autre peut être un énorme avantage pour ce qui est de façonner la résilience d'un pays...

    Le coût d'un service citoyen comme celui là serait certainement élevé. Mais je crois qu'il est aussi utile d'évaluer les bénéfices globaux qu'il produirait. Loin de moi la prétention de pouvoir chiffrer tout cela, bien entendu...

    Cordialement,

    David Manise, instructeur survie

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    1. Etre formé, conscient de soi, des autres, du pays du monde ... Au delà du lien armée/nation il s'agit du lien citoyen/nation.

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  5. J'ajouterais même qu'il s'agit du lien entre le citoyen et le monde réel... Nous vivons dans une abstraction permanente. Nos enfants grandissent dans une mince pellicule de soie qui pourrait à tout moment se déchirer. Et ça leur ferait tout drôle...

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    1. Et l'accès permanent par les médias à des catastrophes et guerres partout dans le monde, sans que cela nous touche, ou la banalisation de la violence agissent comme des anesthésiants ... on a l'impression de s'habituer.

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  6. Le bataillon de réserve opérationnelle d'Ile de france en cours de formation
    http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2012/07/27/le-bataillon-de-reserve-operationnele-d-ile-de-france-en-cou.html
    Un bataillon de réserve est en formation en Ile de France. Selon la DRHAT qui recherche actuellement des réservistes domiciliés en Ile de France, ce bataillon sera organisé autour d'un état-major tactique et de quatre unités élémentaires de reserve de type Proterre (on parle d'"escadrons"?).

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  7. Un ex cadre du 13e DP me signalait l'importance des départs vers les sociétés militaires privées.
    N'y aurait il pas matière là à une autre forme de reserve opérationnelle, analogue à la constitution des équipes nationales au sein des sports hautement professionalisés comme le Basket, le Tennis ou le Football :
    Pour les matchs en équipe nationale, les sportifs tâchent de venir en fonction des disponibilités de leurs agendas.
    Des unités de réserves composables à partir d'anciens pro passés au privé pour raison de marmite à faire bouillir mais restant néanmoins patriotes, seraient certainement efficientes et nécessitant moins de temps d'entraînement ...

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